Guy et Patrick, mes deux jeunes frères jouent à l’extérieur de la Maison Riccio – la maison qui nous abrite ainsi que huit autres familles porte le nom de sa propriétaire, une gentille femme, assez âgée – avec d’autres enfants. Un grand terrain vague compris entre l’école religieuse des filles, notre immeuble, délimité par trois rues perpendiculaires, sert de terrain de jeux et d’aventures à la plupart des enfants de ce quartier de la Marine. Il est très bien situé car sous les regards croisés des mamans surveillant leur progéniture nombreuse et variée. Pour ma part, comme d’habitude je lis, assis dans un coin de la chambre, les dernières nouvelles de l’Écho d’Oran – la ville qui m’a vu naître –, non pour me tenir informé, mais pour apprendre les mots que je découvre, qui me fascinent, et me font rêver quelquefois de pays lointains…
Soudain, au rez-de-chaussée, à l’entrée principale de la grande maison, du bruit, des cris de surprise, des portières qui claquent, des paroles inaudibles. Sauveur, accompagné d’un employé de la société dans laquelle il travaille, se précipite dans l’escalier qui mène à notre logement, il entre, tremblant et excité. Il présente rapidement à ma mère le chauffeur qui doit nous amener au port.
« Vite, vite, dépêche-toi de prendre quelques affaires car vous devez embarquer sur un navire qui vous transportera jusqu’à Alger ! …