À l’hôpital de Tricot, Raphaël Costa est pris en charge par les infirmiers militaires de la 9e section qui posent un garrot sur sa jambe, un bandage tout autour de sa poitrine qui a été déchirée sur une dizaine de centimètres. Ses blessures sont profondes et hémorragiques et les médecins sont pessimistes. C’est l’affolement général dans les couloirs où s’entassent pêle-mêle les civières et les corps des blessés plus légers. Certains sont assis sur des chaises, d’autres debout appuyés contre les portes, d’autres encore jetés à même le sol, le dos contre le mur, la tête dans les mains. Les portes claquent, les cris fusent, les plaintes se font plus pressantes. Les médecins, les chirurgiens, les infirmières, tout le personnel médical est surchargé, fatigué, harassé, cependant charitable. Une odeur écœurante d’éther, de formol, d’urine et de sang envahit tous les recoins de l’établissement et cela fait des jours et des jours que cela dure !
Le ciel et la terre se confondent par-delà les troncs déchiquetés et les arbres déracinés qui jonchent le sol. Le sol est creusé, miné, défoncé des trous des explosions. Seuls les éclairs des armes et des batteries d’artillerie éclairent furtivement les masses sombres des soldats tués pendant l’attaque noctur-ne, et qui restent, là, comme les témoins de l’effroyable bataille qu’ils viennent de perdre avec leur vie en tribut…