Le cimetière Saint Pierre étouffe de sérénité. Un bruit de fond, un peu aigrelet perce déjà l’air incandescent de cette fin de matinée. Ce sont les véhicules qui glissent sur les voies qui enserrent, ce lieu de recueillement. Nous sommes en plein cœur de la grande métropole, vivante et colorée.
Le caveau familial près du carré musulman, forme l’angle de deux allées. Côte à côte, les membres de notre famille sont là, gisants, pour certains depuis de nombreuses années.
Les deux jardinières sont joliment fleuries et bien entretenues, Guy mon frère habitant à quelques pas de là, s’occupant du rempotage des fleurs qui se fanent trop vite. Les plaques funéraires un peu défraîchies sont là pour renseigner les visiteurs sur les noms et les dates.
Près de l’espace familial, je ressens des sentiments de quiétude, de calme, comme si les esprits encore enfouis dans ce caveau, voulaient me faire passer des messages sur la vie qui palpite tout autour de moi. Dans les blocs de granit rugueux et polis des tombes avoisinantes, dans les arbres – surtout des cyprès hauts et fiers – qui craquent en leurs feuilles dont certaines meurent à mes pieds, dans les insectes et les papillons qui volettent dans l’air suffocant, butinant de-ci, de-là, dans les cigales qui chantent encore dans cet air lumineux. Toute cette vie naturelle et gratuite, dans un lieu consacré à la mort est incroyable et je me dis candidement, qu’elle doit avoir un message d’amour et de paix à délivrer aux vivants. Encore faudrait-il que je me persuade que cela est possible ! Puis-je me fondre dans un tronc d’arbre ? Puis-je me transformer en vapeur pour me dissoudre dans l’atmosphère ? Puis-je me confondre avec un oiseau pour atteindre le ciel et les nuages porteurs d’eau ? Puis-je sentir avec mon âme les parfums des fleurs ? Puis-je voir avec mon cœur pour déceler les étincelles de vie dans toute la création ? Comment entrer en contact avec les animaux ? Nous lui faisons tellement de mal, nous la faisons tellement souffrir, nous lui manquons tant de respect ! Tout le mal et les souffrances que nous lui infligeons, la bâillonne-t-elle ? Veut-elle encore communiquer avec les humains ?
Perdu dans mes pensées, mon soliloque secret, sans le vouloir, m’a rapproché doucement du ballet aérien que fait un papillon blanc, battant des ailes, gracieusement, au-dessus des fleurs odorantes des jardinières. Intrigué par le dialogue qui se développait sous mes yeux entre le papillon et les fleurs, entre l’animé et l’inanimé, m’agenouillant sur le marbre tiède, je me suis rapproché de la scène qui se déroulait sous mes yeux. Je sentais au fond de moi la volonté farouche de m’immiscer dans la conversation des battements d’ailes à écailles colorées et des parfums des cyclamens, des marguerites et des mufliers. La création voulait me parler dans ce cimetière, sous les rayons ardents qui réchauffaient mon corps et mon âme, là près des parents défunts.
Je compris, sans passer par la raison mais par toutes les cellules de mon corps, que toutes les vibrations qui transcendent toutes les choses de la nature, s’informaient mutuellement. Qu’aucune séparation, n’existait dans notre monde. Que nous étions la nature et nous, en osmose, plongés dans le grand bain de l’univers. Que des poussières d’étoiles étaient incrustées dans nos corps et que ceux-ci gardaient par de-là le temps, la mémoire de tous les hommes, vivants et morts qui nous ont précédés sur cette terre.
Le papillon, les fleurs et moi avions réussi à retisser le lien de la vie qui nous irriguait, pendant un court instant, dans une conscience totale. Nous étions plongés dans le « tout ».
Soudain, dans un moment de grâce, j’entendis clairement le message venu du fond de mon être : « Ne reste pas près de nous William, retourne dans le pays de tes ancêtres et retrouve tes racines ! »
Le papillon, à ce moment précis, après s’être posé quelques secondes sur mon épaule, s’est envolé à tire d’ailes dans une lumière éclatante et a pris la direction du sud, de la Sierra Nevada.
Alors, mon ange et moi, nous nous sommes réveillés !
Belle évocation d’une nostalgie. Une grande paix émane de votre texte on s’y laisse prendre et on va jusqu’´au bout sans s’en rendre compte . À bientôt pour la suite de l’hist
Bonjour Alix,
Merci pour ton commentaire. Je me demandais comment trouver un « fil rouge » à mon roman autobiographique et je crois que je l’ai trouvé à travers ce « papillon » qui interviendra entre les différents chapitres; encore faut-il que le coach soit
convaincu car je ne lui en ai pas encore parlé Bonne journée